Introduction
La cryptomonnaie est un système financier alternatif qui émerge et qu’on ne peut plus ignorer.
Créé en 2008, le Bitcoin est une monnaie numérique sans frontières, qui fonctionne sur un système de peer-to-peer (pair à pair), conçu pour créer un système monétaire décentralisé et qui appartient à un procédé cryptographique sécurisé, la Blockchain. Il révolutionne notre façon d’envisager l’échange de valeur.
Le Bitcoin est la première génération de cryptomonnaie à avoir vu le jour, d’autres sont ensuite apparues, telles que Ethereum. L’innovation majeure apportée par Ethereum est la création de transactions personnalisables et d’applications décentralisées (smart contracts). Une troisième génération de monnaies digitales est aujourd’hui utilisée en parallèle, pour pallier les limites des deux premières générations.
Les AFR se sont interrogés sur cette nouvelle classe d’actifs. La cryptomonnaie favorise-t-elle le trafic illicite et la cybercriminalité ? A-t-elle un impact environnemental lourd ? Et si c’est le cas, est-elle vraiment utile et nécessaire ?
Criminalité
L’ONU estime le blanchiment d’argent de 2 à 5% du PIB mondial, soit 1,6 à 4 milliards de dollars par an. Alors que l’utilisation du Bitcoin à des fins de criminalité fait souvent la Une des grands titres, cette pratique représente-t-elle une part importante dans le blanchiment d’argent ?
Traditionnellement, ce dernier permet de réintégrer la monnaie sale dans le système économique légal, en les mixant à travers divers comptes bancaires et placements.
Depuis les années 2007-2008, il est possible de travestir cet argent sale en monnaie de change via la Blockchain. Les infractions digitales utilisent la voie de la cryptomonnaie pour la rapidité d’exécution des actions. Cela ne concerne pas une part importante, mais c’est prégnant. Le premier ancrage est le blanchiment de la fraude fiscale.
Certaines opérations de financement de terrorisme ont également recours à la cryptomonnaie. Cependant, les sommes sont faibles (en moyenne 1000€) et difficiles à tracker. A titre d’exemple, l’attentat de Nice aurait coûté environ 2500€.
L’utilisation suspecte de cryptomonnaies est rigoureusement suivie par Tracfin, qui mène des investigations en cas d’alerte, telle que la remise d’espèces importantes sur un compte bancaire sans justification, la réception de virements en France par une personne étrangère, sans commune mesure avec les nécessités de son train de vie et par des personnes a priori autre que sa famille, ou encore la conservation d’importantes disponibilités bancaires en cryptomonnaies, sans justification des opérations.
Cependant, l’univers des cryptomonnaies associé à de la criminalité est comparativement moins important que le montant des fonds illicites impliqués dans la finance traditionnelle. Pour donner un ordre de grandeur, il y a 79 000 déclarations qui sont réalisées auprès de Tracfin par an, 528 concernent les cryptoactifs.
Cadre réglementaire
Aujourd’hui, il existe un cadre réglementaire, qui découle de la loi PACTE de 2019 et définit ce qu’est un actif numérique. Il existe deux catégories d’actifs numériques :
- Une représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une Banque centrale, c’est donc la cryptomonnaie ;
- Des jetons (token), une représentation d’un droit qui a été émis d’une manière électronique.
Les acteurs sont, quant à eux, définis comme rendant des services sur les actifs numériques, ou les utilisant. Ceux qui rendent les services sont appelés des PSAN, Prestataires Sur Actifs Numériques.
Le droit définit ce qu’est un service sur actifs numériques :
- Conservation d’actifs numériques
- Achat et vente d’actifs numériques contre une monnaie légale
- Echange d’actifs numériques contre un autre actif numérique
- Exploitation d’une plateforme d’échange
Chaque PSAN doit obligatoire être enregistré auprès de l’AMF (Autorité des Marchés Financiers), qui va vérifier l’honorabilité et la Lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
L’utilisateur des services a comme devoir d’être très vigilant et de bien vérifier l’enregistrement des acteur français. Dans un contexte plus international, il faudra vérifier auprès du pays de l’acteur. Cependant, il est à noter que les cryptomonnaies, contrairement au cash, ne sont pas anonymes mais pseudonymes. Il y a donc des moyens de traçage similaires au système bancaire traditionnel. Il existe des outils qui permettent de tracer tous les flux de la blockchain, c’est un même un système davantage transparent. Il existe également des acteurs qui se spécialisent sur cette problématique. Le problème reste toujours l’identité qui est placée derrière la transaction (faux papiers).
Grâce à la montée en charge de la place du Bitcoin et l’entrée en jeu de nombreux investisseurs institutionnels, la part aujourd’hui de la cryptomonnaie liée au blanchiment d’argent reste réduite.
Impact environnemental
L’Université de Cambridge a créé un indice, permettant de donner quelques ordres de grandeur, sur lesquels demeurent, malgré tout, quelques incertitudes. La cryptomonnaie est évaluée à 135 térawattheure/an, ce qui équivaut à la consommation d’électricité d’un pays comme la Suède, à 60 millions de tonnes de CO² par an, l’équivalent de la production carbone d’un petit pays et à 5000 tonnes par an de déchets électroniques, comme au Luxembourg.
Une transaction seule équivaut à 850kg de CO² par transaction, soit 2 millions de transactions Visa ou 140 000 heures de vidéo sur YouTube.
Tous ces chiffres amènent au même constat : l’utilisation des cryptomonnaies consomme de l’électricité, donc si elle est carbonée, l’impact environnemental est négatif et important. Le minage, qui est la manière de crypter, est très énergivore et se fait beaucoup en Chine, qui est un pays majoritairement dépendant du charbon pour sa production d‘énergie. Depuis peu, les mineurs choisissent davantage de s’installer dans des pays où l’électricité est verte, et également moins chère lors de ses moments d’intermittence.
Des alternatives au système énergétique traditionnel fleurissent. Certains grands groupes achètent et développent eux-mêmes des champs solaires ou d’éoliennes qui seront dédiés à leur activité de cryptomonnaie. Le Salvador, lui, utilise l’énergie générée par l’activité d’un volcan pour le minage sur bitcoin. En Islande, les mineurs ont des contrats passés avec des centrales électriques et agissent comme des acheteurs en dernier ressort. Cela permet un verdissement de la grille électrique.
Il existe également des cryptomonnaies créées spécialement pour être eco-friendly et c’est vers cette tendance que se dirigent les premières monnaies digitales également. Eretheum fonctionne différemment du Bitcoin et consomme 75% de moins en énergie. En lieu et place de la méthode du Proof of Work, modèle du Bitcoin, elle utilise celle du Proof of Stake, qui est moins énergivore.
Si l’on compare le système bancaire traditionnel et celui de la cryptomonnaie, il apparaitrait que le second possède davantage de moyens d’adaptation, via les nouvelles énergies.
Impact sociétal
La véritable question est ainsi de savoir si cela en vaut la peine. La société est elle prête à accepter le coût environnemental de la cryptomonnaie, en échange de l’impact sociétal fort qu’elle peut générer ?
La cryptomonnaie permet une transparence importante pour les investisseurs. Elle est le premier asset qui permet de voir ce que pratiquent ces derniers. Les investisseurs traditionnels classiques ne sont pas aussi transparents. A terme, avec la cryptomonnaie, on pourra suivre toutes les opérations et créer des indicateurs sur le cours, ce qui n’existe pas sur les autres marchés. Également, de plus en plus d’investisseurs institutionnels utilisent la cryptomonnaie pour la diversification qu’elle permet. Le retail suit le mouvement. Certains utilisent d’autres monnaies, qui ne répondent pas à la même problématique, ce qui crée une seconde couche de diversification. Le crypto-picking sera l’avenir.
Enfin, la cryptomonnaie permet d’adresser toute une population, de l’ordre de 2,5 milliards de personnes, qui n’a pas accès à la bancarisation, leur fournissant une identité légale, des services financiers et de paiement, dans un objectif d’amélioration du confort de vie.
Le 9 juin dernier, le Salvador a été le premier pays à déclarer le bitcoin comme monnaie légale. C’est également en cours de discussion pour le Panama. Dans certains pays, le bitcoin joue ainsi un rôle et d’autres acteurs vont créer des projets autour de cette monnaie. La volatilité de la cryptomonnaie est moindre par rapport à la monnaie officielle, qui subit la corruption.
En terme universel, une cryptomonnaie peut permettre une meilleure protection des données privées, la plupart des banques centrales explorent ainsi l’idée d’une version numérique de leur propre monnaie. Ce n’est donc pas un épiphénomène, mais davantage un tournant disruptif en devenir.
Pour résumer, l’impact social et sociétal de la cryptomonnaie est positif. Cependant, son coût environnemental n’est pas négligeable et il faut continuer à exploiter de nouvelles alternatives énergétiques pour l’atténuer.